Première fondation des petites Sœurs de l’Assomption à New-York avril 1891

Première fondation des petites Sœurs de l’Assomption à New-York avril 1891

Avril 1891. Six religieuses posent sur un paquebot. Le vent fait gonfler leurs voiles et lourdes jupes. Elles sont accompagnées d’un prêtre.

Qui sont ces personnes ? Et où vont-elles ?

Ce sont des Petites Sœurs de l’Assomption en partance pour l’Amérique : c’était alors la première fois que des Petites Sœurs quittaient l’Europe, puisque les seules fondations hors de France de la congrégation à cette époque se situaient en Angleterre et en Irlande, cette dernière fondation s’étant faite la même année, en 1891.

Elles sont parties du port du Havre, à bord du paquebot « le Bourgogne », en avril 1891.

Leurs noms : Sr Marie Anna (Alphonsine Foulon), Sr Marie Alexandrine (Julienne Andrieu), Sr Marie Laetitia (Charlotta Quay), Sr Marie Euphrasie (Marie Maas), Sr Marie Bernardine (Louise Rinquebach, qui quittera la congrégation ensuite en 1895), avec leur supérieure, Mère Marie du Christ (Antoinette de Godin). Le prêtre qui les accompagne est le Père Brun, Augustin de l’Assomption. Il a été un des premiers compagnons du Père d’Alzon (tout comme le Père Pernet), et sera le chapelain de la nouvelle communauté jusqu’à sa mort en 1895.

Cette première communauté est déjà internationale : Srs Marie Anna et Alexandrine sont françaises, Sr Marie Laetitia est anglaise, Sr Marie-Euphrasie et Marie-Bernardine sont originaires de Lorraine, (de la partie de la région restée française après l’annexion allemande entre 1871 et 1918), et M.M. du Christ était d’origine allemande.

Elles ont été annoncées par la presse new-yorkaise en ces termes : « Le vapeur « La Bourgogne » […] a parmi ses passagers six femmes qui viennent pour soigner les pauvres malades de New-York, sans distinction de foi, de nationalité ou de couleur. »

Comment la congrégation en est-elle venue à fonder une « succursale », comme on disait alors, en Amérique du Nord ?

Avant d’entrer chez les PSA, Mère Marie du Christ, avait été gouvernante au sein d’une famille, et deux des enfants dont elle s’était occupée, devenues des « dames », étaient par la suite restées très liées avec elle. C’est ainsi que ces dames parlèrent des PSA à l’archevêque de New-York, à cette époque, Mgr Corrigan. C’est lui qui demanda à de multiples reprises au Père Pernet une fondation de la congrégation dans son diocèse, et ce, dès 1888. La fondation fut retardée du fait que les PSA demandaient que les Augustins de l’Assomption (AA) puissent aussi venir ouvrir une communauté à New-York, ce que Mgr Corrigan refusait. Par la suite, il accepta que le Père Brun vienne en même temps que les PSA, et les AA ouvrirent une communauté après sa mort, en 1895.

Le voyage à bord du « Bourgogne »

Revenons à ces jours d’avril 1891. Le voyage dura 9 jours. Bien sûr, les sœurs ne furent pas exemptes des désagréments d’un tel voyage, et en particulier, le mal de mer. Mais celle-ci fut globalement calme pendant le trajet. Le navire était à la pointe de la modernité. On lit dans le journal qui a été rédigé par une des sœurs pendant ce voyage « On a la lumière et l’eau à volonté dans la cabine. La première est électrique ; sans allumer une allumette, elle se présente comme par enchantement ; on pousse un petit crochet à droite, et la flamme vive se présente ; on le pousse à gauche et elle disparaît ».

Celles qui ne sont pas malades étudient, en particulier la langue anglaise, bien sûr, du moins pour les deux qui ne la connaissent pas encore. La rédactrice du journal raconte par exemple que Sr Anna, pour s’entraîner en anglais, était un jour venu demander à MM du Christ de pouvoir se couper les cheveux, et dans sa phrase, avait confondu hairs et head, demandant donc si elle avait l’autorisation de se couper la tête ! Le reste du temps, certaines tricotent, lisent où se reposent. Elles ont aussi des contacts avec les autres passagers, en particulier des familles, dont plusieurs sont protestantes.

Du point de vue spirituel, elles essaient de garder une vie régulière : elles ont la messe, même s’il leur faut pour cela demander à chaque fois l’autorisation d’utiliser l’un des salons, et que le roulis rend régulièrement les choses un peu compliquées, et elles essaient aussi de continuer leurs oraisons et méditations régulières.

Arrivée à New-York

A leur arrivée à New-York, le bateau est retenu un temps en quarantaine, à cause de possible présence de typhoïde sur le bateau. La rédactrice du journal profite de ce temps pour décrire et admirer le panorama de la baie, entre Stetten Island et Long Island, pouvant distinguer de loin la statue de la Liberté. « Des voiliers de toutes dimensions se croisent devant nous, ils semblent narguer notre formidable colosse qui doit rester en place et ne peut suivre leurs gracieux mouvements ».

Enfin, après une vingtaine d’heures d’attente, la descente du bateau est permise pour les premières et 2e classes, les autres devant rester 14 jours de plus en quarantaine du fait d’un cas de typhus.

A leur arrivée et pour les trois premières semaines, les Petites Sœurs sont logées chez les Sœurs de Bon Secours de Troyes, le temps de trouver une maison.

Tout se passe bien dans un premier temps, mais une première épreuve attendait le petit groupe : l’une d’elles, Sr M. Euphrasie, contracte la typhoïde auprès d’un malade qu’elle soignait, et en meurt rapidement. Elle avait 26 ans.

Bientôt, les missionnaires de New-York ne manquèrent pas de missions à remplir : bien sûr, le travail auprès des malades à domicile, mais elles mirent également en place un groupe de Dames Servantes[1], une Fraternité, des Filles de Sainte Monique[2], etc.

En 1892, elles acquièrent une nouvelle maison. Cette maison donne sur un parc, ce qui est très apprécié par les sœurs au vu de l’absence de jardin. Le Père Pernet leur rend visite une première fois en 1893.

Maison des petites Sœurs à New-York, acquise en 1892

Les Petites Sœurs ouvriront finalement une autre communauté à New-York, à Harlem, en 1900 (jusqu’en 1964) et quelques autres dans les années 1970-1980. Elles vont aussi, à partir de là, s’implanter dans plusieurs autres villes des États-Unis (par exemple Philadelphie en 1922 et Woonsocket en 1936) et au Canada (1933). Dans toutes ces villes, elles continuent leur mission de soins aux malades et aux enfants, cuisine et toutes activités domestiques à faire lorsque la mère est malade ou empêchée, et en profitent, lorsque c’est possible, pour catéchiser, ou en tous cas permettre aux familles de reprendre contact avec la religion lorsque ce lien avait été perdu.

En 1991, 100 ans après la fondation de New-York, il y avait 12 communautés de petites Sœurs aux Etats-Unis.

Aujourd’hui, elles ne sont plus très nombreuses[3], et sont âgées, mais elles ont transmis leur mission à des laïcs qui s’engagent pour aider les plus démunis, comme les PSA l’ont fait pendant si longtemps. On peut ainsi citer plusieurs organismes : Pernet Family Health Service, créé en 1967 à Worcester, où les PSA étaient présentes depuis 1955 , LSA Family in Mission , Project Hope Boston, et LSA Family Health Service

Céline Hirsch
Service des archives des petites Sœurs de l’Assomption


[1] Dames Servantes des Pauvres : c’était un groupe de laïques de milieu aisé s’engageant avec les PSA.

[2] Les Filles de Sainte Monique étaient à l’époque l’équivalent pour les femmes des Fraternités, instituées par le P. Pernet pour instruire les ouvriers dans la foi chrétienne.

[3] Elles sont 8 en 2022, réparties dans 4 communautés.

5 réponses

  1. Lucie Licheri dit :

    Encore merci de ce deuxième article qui rend vivante notre mission à ses débuts, en arrivant à New York. Nos jeunes soeurs seront très intéressées de découvrir ces moments fondateurs. Merci à l’Equipe des Archives !! Lucie Licheri

    • Nguyễn Thị Mười dit :

      Oui. Exactement Lucie. Cela permet aux jeunes sœurs comme moi de découvrir l’histoire et la mission des PSA aux Etat-Unis. J’aime bien y aller pour découvrir😆. Merci beaucoup à L’Équipe des Archives.

  2. Amparo Montes Beltrán dit :

    Muchas gracias Catherine y Celine
    Esos buenos artículos nos permiten entrar en la historia y recordar para continuar nuestra propia página de historia en el libro de la vida de la Congregación. Laicos y hermanitas podemos seguir bebiendo de la misma Fuente, legado de nuestros fundadores.
    Amparo Montes

  3. anne-Marie Rousselt dit :

    C’est merveilleux de lire ce récit de nos premières soeurs arrivées en bateau à 6 à
    New Yorck un grand merci pour votre travail obscur mais qui est Lumière!!!!!!!

  4. GIRARD Elisabeth dit :

    Merci de nous parler de cette mission bien lointaine…
    Quel courage!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *