PRIER AVEC L’ÉGLISE
L’Église depuis plusieurs années est sous le feu des projecteurs ; des faits troublants s’accumulent mettant en cause des personnes en vue au sein de l’Église : prêtres, religieux et religieuses, évêques, chrétiens.
Après cela peut-on encore parler de la sainteté de l’Église ? Ose-t-on s’afficher membre de cette institution ? Comment croire en l’art de vivre qu’elle propose à travers l’Évangile ? Qui peut prôner une éthique de vie et en même temps la bafouer ? Où donc est la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ?
Dans ce contexte délétère, se sont levés des femmes et des hommes, pour que lumière soit faite sur ces épreuves innombrables et affligeantes. L’Église a encore des prophètes, prêt/es à affronter humblement la vérité, aussi cruelle soit-elle, pour que justice soit enfin rendue à ces milliers de vies fracassées dont on ignore tout de leur drame physique, psychique, social, spirituel, tant elles sont emmurées depuis trop longtemps dans le silence, la honte, la culpabilité.
Le 5 octobre à la réception du rapport des experts ayant travaillé à la quête de la vérité, mon appartenance à cette institution me brûle et pourtant, oui, je dois le reconnaître, c’est mon Église.
Ce jour-là ma prière avec Elle, sera l’accueil « sans voix » de cette tragédie humaine et spirituelle.
Ensuite j’ai pris le temps de me souvenir… pour faire à nouveau confiance, pour continuer à espérer.
La prière du soir, à genoux dans la cuisine familiale, sous l’œil vigilant du grand-père debout, qui, tout en ne « pratiquant pas », suit respectueusement la démarche de foi de ses enfants et petits-enfants à travers ce rite quotidien. Je prie déjà avec l’Église, sans le savoir. Et cela est beau.
Sur le tabouret de prière, seule à l’oratoire dans une adoration silencieuse, je prie avec l’Église. En communauté avec la prière liturgique du temps présent, je prie avec l’Église. Et cela est bon.
À Lang Anh (Viet Nam), une fois par semaine, mêlée aux personnes du quartier récitant de toute leur âme des prières apprises par cœur dès l’enfance, auxquelles s’ajoute le chapelet, je prie avec l’Église.
Aux Eucharisties matinales quotidiennes à Dong Hoa, Vinh, ou ailleurs, se retrouvent hommes et femmes, personnes âgées et enfants avant leurs occupations du jour. Ils s’unissent au sacrifice et à l’action de grâce du Christ, criant la détresse du monde proche et lointain ; remerciant pour la vie en abondance reçue de Lui. Je prie avec l’Église. Et cela est très bon.
Avec les fidèles de la paroisse d’Antony qui accueillent un nouveau curé et en profitent pour échanger autour des préoccupations qui nous habitent et des motifs d’espérer. Nous cherchons comment être ensemble, « semeurs, acteurs et serviteurs de l’Espérance » ; je prie avec l’Église et cela est très beau.
Avant le repas servi aux enfants de la maternelle, j’entends « Lai Cha chung con »… Notre Père ; je prie avec ces petites voix qui déjà apprennent à dire « merci » pour le pain quotidien reçu.
L’inondation a fait d’immenses dégâts dans une région du Centre du Viet Nam : plus d’eau potable, plus de nourriture, plus de vêtements, plus de couvertures. Des paroisses les plus proches jusqu’aux paroisses du Sud, la solidarité s’organise : on charge en hâte des camions avec eau et vivres, de quoi se vêtir… et des jeunes gens avec sacs de ciment pour faire barrage à l’eau, et outils pour nettoyer les maisons. Je prie avec ces camions de la vie qui roulent vers l’enfer de l’eau qui submerge tout, sauf l’intelligence de la fraternité.
La covid fait des ravages au Viet Nam. Les hôpitaux débordent, les soignants ne peuvent pas venir à bout de leur travail au service des malades. Plusieurs diocèses font alors appel à des religieux et religieuses de moins de 40 ans pour venir en aide aux soignants. Pendant trois jours les 340 volontaires reçoivent une formation pour les soins de nursing des personnes malades et pour l’organisation de leurs journées de travail tout en se préservant. Deux de nos sœurs s’engagent dans ces services volontaires pendant un mois. Je prie avec la compassion de l’Église qui se fait proche des souffrants.
La ville de Saï Gon est confinée depuis plusieurs mois ; les habitants commencent à avoir faim. Les paroisses du Nord s’organisent pour envoyer des tonnes de nourriture qui seront distribuées par nos communautés en lien avec d’autres. Nos sœurs demandent à leur paroisse d’origine de donner des vivres ; des camions arrivent à 2 heures du matin et le travail de nos sœurs commence, pour la distribution. Je prie avec les mains fraternelles de l’Église qui s’activent pour donner de la nourriture à ceux qui ont faim.
« En ce moment nous louons Dieu, rassemblés dans l’église. Mais quand chacun de nous retournera à ses affaires il semblera qu’on cesse de louer. Ne cesse pas de bien vivre, et tu loueras Dieu par ta vie. En chantant Alleluia, donne du pain à qui a faim, habille celui qui est nu, accueille les sans-abri. Alors ce n’est pas seulement ta voix qui chante mais ta main chante aussi quand tes actes se conforment à tes paroles.
Si ta langue loue Dieu à certaines heures, ta vie doit louer sans arrêt. Si tu ne chantes qu’avec ta voix, il y aura des silences, mais que ta vie soit un chant que rien n’interrompt. Chante avec ta voix pour les oreilles qui t’entendent, mais que ton cœur ne se taise jamais, ne laisse jamais ta vie se taire ».
St Augustin (commentaires des psaumes 146, 148 et 149)
Par Colette Faillenet, Petite Sœur de l’Assomption,
qui vient de rentrer de dix années de mission au Vietnam