Encore le covid 19!
Témoignage d’une Petite Soeur de l’Assomption non voyante dans une EHPAD
Confinée ! dé-confinée !
Pas facile à vivre pour beaucoup, en EHPAD, d’autant que nous ne savions pas combien de temps cela allait durer !
Personnellement je suis entrée dedans avec la conviction de braver, coûte que coûte, le fameux corona 19. Je devais déployer toutes les énergies en mon pouvoir.
Cela ne devrait pas être plus difficile à vivre que d’assumer jour après jour, le handicap visuel lui-même déjà un confinement
Notre vie n’est-elle pas en toute circonstance une recherche continuelle de liberté et ajustement, dans une histoire personnelle et collective, au dessein de Seigneur?
Une adhésion à son « amour dont nous savons qu’IL nous veut « libre, comme LUI «
Pour moi c’est l’acceptation du réel, du présent, qui permet d’assumer cela avec Jésus qui s’est fait homme .N’était-ce pas un confinement pour Dieu que de se soumettre à notre humanité, en Jésus ? Je le pense et essaie de vivre cet isolement avec LUI ! « Christ s’est fait obéissant jusqu’à la mort « ; « Je fais toujours ce qui lui plaît » « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père » ?
Qu’Il me pardonne mes résistances, les jours de faiblesse !
Sans avoir imaginé cette pandémie, mais plutôt préoccupées des futurs travaux dans notre maison, nous avions envisagé d’essayer de vivre l’instant présent avec patience et confiance positivement, disponible aux imprévus. Je me suis souvent rappelé cette orientation en pensant à mes soeurs et aux autres résidents, face aux mêmes difficultés !
Je remercie le Seigneur de m’avoir accompagné tout au long de ces jours :
– Par la PAROLE DE VIE quotidienne durant le « temps favorable » du carême, de Pâques, de la Pentecôte ! Je n’ai jamais autant goûté cette nourriture si fortifiante « pain quotidien » pour cet aujourd’hui inédit voire surprenant ! ! !
– Par l’accompagnement spirituel du P. Jean-Pierre, et du P. Kevin, de nos soeurs du conseil, des messages fraternels reçus
– Par l’écoute et les encouragements, de Geneviève,(notre responsable).Ses suggestions pour stimuler le moral et notre vie intérieure et l’élan missionnaire, ses appels téléphoniques, matin et soir à chaque sœur de la communauté , nous maintenaient soudées, les unes les autres !
– Par le moyen de la radio interne et radio Notre-Dame nous pouvions vivre l’Eucharistie à distance , en communion avec les chrétiens du monde entier, extraordinaire grâce !
L’impossibilité de communier n’a fait que grandir ma faim eucharistique !
La quarantaine, régime chambre, isolement obligatoire s’il n’a pas été trop difficile pour moi reste malgré tout un combat .
Pour rester « éveillée » en santé j’ai organisé dans ma chambre, un petit circuit qui me permit de marcher en priant le rosaire !
Le plus important fut de prendre conscience que dans cette situation la mission continuait bel et bien. Ce temps libéré m’a rapprochée de beaucoup de personnes de ma famille comme des amis de Creil.
Certains s’inquiétant de moi j’ai moi-même pris contact à « la rencontre de ceux qui me semblaient avoir besoin », spécialement avec 4 résidents laïcs connus avant le confinement, et mes soeurs ! J’ai participé à toutes les activités proposées. Ces contacts m’ont fait découvrir leur courage, et leur foi aussi leur impatience de sortir de cette solitude
Quand je fus accueillie à l’EHPAD, Marie la responsable cadre, m’avait invitée à être comme les autres Petites Soeurs, partenaire ! Je me demandai bien comment je pouvais être partenaire avec tant de limites ? Durant ce temps de confinement, J’ai eu l’occasion concrètement de le vivre simplement à divers moments ! J’ai répondu aux appels des « réseaux solidaires » une écoute une fois par semaine avec 4 personnes de 20 à 50 ans. C’était un partage sympa de notre vie en EHPAD, beaucoup de questions sur la congrégation, sur ma vocation ! Elles m’ont partagé leur vécu en famille, le télétravail, les études, les loisirs etc. Ils m’ont ouvert les yeux sur d’autres réalités.
J’ai senti comme tout le monde le climat tendu dans notre EHPAD : personnel masqué, nouvelle organisation, peur de la contamination, changement du personnel, fatigue etc. Ceci malgré tous les efforts pour rassurer, distraire les résidents qui souffraient de ne pas voir leur famille!
Je veux souligner l’entraide du personnel, la solidarité des voisins de l’EHPAD, et de plusieurs bénévoles . C’était une véritable « douceur » dans ce climat de haute-tension.
Petit à petit nous apprîmes les ravages du virus parmi le personnel et les résidents !
Un courrier régulier nous informait pour rassurer les familles.
Personnellement j’ai senti douloureusement les décès, si rapprochés de deux résidentes récemment connues avant le confinement, et de nos sœurs, et dans des conditions éprouvantes. Il nous fallut bien nous entraîner à l’Espérance et la confiance !
Tout en combattant, pour rester vivante et sereine je ne pouvais ignorer, sentir le poids de ce drame international, l’immense tension sanitaire et au fur et à mesure des semaines l’inquiétude grandissante pour l’avenir économique des entreprises les peurs des travailleurs et plus encore l’angoisse réelle des personnes fragiles
Ce qui me marquait le plus furent les incertitudes, les contradictions, les polémiques qui prenaient de plus en plus d’ampleur !
La complexité des problèmes me fit sentir une fois de plus mes limites et cette difficulté de s’accepter humblement fragile dans un monde fragile.
L’isolement dans lequel nous étions contraints, le manque de partage augmentait ma soif de réflexion en communauté, ou avec JPIC (commission Justice-Paix-Intégrité de la Création) par exemple !
Autant de questionnements qu’il nous faudra continuer d’approfondir avec le temps pour discerner et se forger de véritables convictions.
En même temps l’horizon n’était pas entièrement bouché :
-initiatives de solidarité comme les applaudissements à 20 H
-la générosité pour les sans-domiciles,
-le dévouement du personnel médical, et… tant de recherches, créativité espoir de nouvelles formes de travail et de relations internationales, remise en cause de la mondialisation excessive !
Le Père Pernet a vu le mal de l’ouvrier, comment notre congrégation dans les années à venir, s’engagera-t-elle, face à ce mal devenu mondial ?
« Esprit Saint envoie des ouvriers pour ta moisson, des missionnaires PSA pour notre monde d’aujourd’hui ! Que cette pandémie fasse réfléchir tout homme de bonne volonté et spécialement les grands de ce monde ! L’intelligence artificielle ne suffira pas à apporter le bonheur ! Ouvre leurs yeux sur leurs responsabilités dans ce mal-être général ! «
Aussi dangereux que le covid 19, le péché de l’homme aujourd’hui, les abus de pouvoir, la violence, la course aux profits, les conflits d’intérêts, risque de nous confiner encore longtemps !
« Seigneur viens à notre secours ; dans ta Sagesse inspire-nous l’humble prière de la confiance en Toi et les actions pour changer les cœurs et notre société, faire advenir ton Royaume ! »
S.M.Josée Barbaz-PSA en EHPAD à Grenelle-A.Fage (Paris)